La victoire de la Marne


 

La Première Guerre Mondiale

 

La Première Guerre mondiale commença par la déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie, le 28 juillet 1914. Par le jeu des alliances, les principales puissances européennes furent entraînées, dès le début, dans la guerre. D'un côté, les puissances dites de l'Entente (France, Grande-Bretagne, Russie, Belgique, Serbie, Monténégro) et de l'autre les puissances dites Centrales (Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie). A partir de 1915, la guerre deviendra mondiale.

En France, l'ordre de mobilisation générale, lancé le 1er août 1914, à 15h45, sur l'insistance du Général JOFFRE, fut effectif le dimanche 02 août à 00h00. L'Allemagne déclara la guerre à la France, le 03 août 1914, avec début des hostilités à 18h15.

 

Les forces en présence

 

Les forces françaises

 

Le dispositif français alignait cinq armées fortement constituées et un groupe de divisions territoriales, échelonnés dans l'ordre suivant :

Ière Armée (Général DUBAIL), de Belfort à Lunéville,

IIème Armée (Général de CASTELNAU), de Lunéville à Toul,

IIIème Armée (Général RUFFEY) sur la Meuse jusqu'à Verdun,

IVème Armée (Général de LANGLE de CARY), en réserve entre Sainte-Menehould et Commercy,

Vème Armée (Général LANREZAC) du nord de Verdun à Mézières,

les divisions de réserve (Général VALABREGUE) dans la région de Hirson,

Un groupe de divisions territoriales (Général d'AMADE) dans la région de Lille.

Dans l'hypothèse de l'intervention de l'Angleterre, la B.E.F. devait se concentrer dans la région de Maubeuge. L'ensemble des forces était commandé par le généralissime JOFFRE.

 

Les forces allemandes

 

L'Allemagne mit en ligne contre la France sept armées sur les huit qu'elle avait mobilisées. Le généralissime était VON MOLTKE, neveu du vainqueur de 1870.

Le total des forces était impressionnant, une centaine de divisions (environ 1 700 000 hommes). La plus forte armée jamais mise en ligne. Ce fut un véritable raz-de-marée qui s'abattit sur notre armée.

Un écrivain américain, RICHARD HARDING DAVIS, qui assista au défilé de la Ière Armée (VON KLUCK) à Bruxelles, le 20 août 1914, le décrit d'une manière saisissante :

"L'infanterie marchait en chantant "Deutschland über alles", et les bottes ferrées marquaient la cadence. J'ai vu souvent passer de grandes armées, elles étaient faites d'hommes. Celle-ci était une machine, infinie, inlassable, délicate comme une montre, brutale comme un rouleau concasseur. Elle était l'organisation la plus parfaite des temps modernes et sa seule fin était de tuer. Le défilé dura trois jours et trois nuits."

 

NB : la Ière Armée comprenait :

II°, III°, IV°, IX° Corps d'Armée d'active,

III°, IV° Corps d'Armée de réserve.

 

La bataille de la Marne

 

Dans ses mémoires, JOFFRE fait très justement remarquer que :

"La rivière Marne n'a joué qu'un rôle épisodique dans la bataille. Le nom de la victoire de la Marne a été donné après coup par le haut commandement, parce que l'action s'est déroulée d'une façon générale dans la vallée de la Marne et de ses affluents (Ourcq, les deux Morin, Ornain) et que cela a paru le meilleur moyen de synthétiser le théâtre de la bataille."

En fait, il n'y a pas eu une bataille de la Marne mais une suite de batailles que l'on peut répartir en quatre grandes actions distinctes :

une offensive allemande en direction de Neufchâteau à la fois des deux côtés de Verdun et qui fut brisée par la défensive des II° et III° Armées,

une offensive allemande en direction du sud, dans le but de percer le centre de la ligne française constituée par les IV° et IX° Armées,

une offensive française, lancée par GALLIENI en direction de l'Ourcq dans le flanc de l'aile droite allemande. Elle força VON KLUCK à replier ses quatre Corps d'armée d'active, créant un vide entre les I° et II° Armées allemandes,

une offensive franco-anglaise, avec la V° Armée et la B.E.F. (Maréchal FRANCH). Elle déclencha le repli général des forces allemandes entre Paris et Verdun.

 

La journée du 08 septembre 1914 :

 

Les troupes anglaises, continuant lentement leur progression, forçaient le Petit-Morin et commençaient à s'enfoncer entre les I° et II° Armées allemandes. Sous la pression, VON BÜLOW fut forcé de replier son aile droite, augmentant la cassure entre les deux armées. Il lança, en même temps, une attaque sur le front de la IX° Armée, à La Fère-Champenoise. Des combats acharnés eurent lieu à Mondement et dans les marais de Saint-Gond.

A l'est, le Général SARRAIL repoussait toutes les attaques de l'armée du Konprinz entre Verdun et Bar-Le-Duc. Les Allemands firent des efforts considérables pour tourner notre armée en attaquant le fort de Troyon sur les hauts de Meuse, mais sans succès. L'armée du Général de CASTELNAU (défenseur de Nancy) tint bon et enraya l'offensive. Le soir du 08 septembre, la situation était favorable à l'Armée française.

Nos troupes avaient partout repris l'initiative et la formidable machine de guerre allemande était stoppée et commençait à reculer. Le Général VON KLUCK écrivit, dans son ouvrage La marche sur Paris :

"Durant les cmbats de septembre, le succès tactique fut du côté allemand ; mais le succès stratégique, quoique limité, revint à l'ennemi car il put obliger le commandement suprême allemand à regrouper complètement son armée à l'ouest. La valeureuse VI° Armée française Maunoury, lancée le 04 septembre, par le Général GALLIENI, à l'attaque contre la I° Armée, obligea les corps de la I° Armée à des manoeuvres difficiles et compliquées."

Le 08 septembre, GALLIENI se rendit compte que la victoire était à nous. "Pour obtenir un succès décisif, en enveloppant l'aile droite allemande, il faut prolonger la ligne de bataille vers le nord et couper les communications de KLUCK et de BÜLOW." (Mémoires de GALLIENI). Mais, au moment où il va demander à JOFFRE deux nouveaux corps d'armée pour pousser jusqu'au bout la manoeuvre qu'il a conçue, GALLIENI reçoit un télégramme du généralissime : le commandement en chef lui retirait le commandement de l'Armée Maunoury.

A bout de forces, il n'a plus le courage de recommencer à parlementer pour imposer son plan. Totalement écoeuré, il ne se consacrera plus désormais qu'à sa tâche de gouverneur militaire de Paris. "Les instructions du général JOFFRE reçues le 8 dans la matinée et m'informant qu'il se réservait de donner directement ses ordres à la VI° Armée, vinrent couper court à toutes mes intentions et à toutes mes initiatives." (Mémoires de GALLIENI).

JOFFRE attendit une année pour citer à l'ordre de l'Armée son ancien chef de Madagascar...

 

Les taxis de la Marne

 

Les taxis de la Marne font partie du patrimoine légendaire de la Grande guerre. L'évènement s'est déroulé dans la nuit du 07 au 08 septembre 1914.

GALLIENI, insufflant à tous ses subordonnés la farouche résolution qui le brûlait, restait attentif à l'évolution de la bataille. Il avait fait rassembler 700 taxis parisiens à Sevran, Livry et Gagny pour acheminer la 14° Brigade d'infanterie (103° et 104° RI) appartenant à la 7° DI, en renfort sur Nanteuil-le-Haudouin, où la poussée ennemie était très forte. La 13° Brigade (101° et 102° RI) fut acheminée par chemin de fer. En tout, c'est seulement cinq bataillons de 800 hommes qui ont été "taxitransportés", dans cette nuit historique, à 50 km au nord-est de Paris. Nous pensons que cela a frappé les esprits, malgré la faiblesse de l'effectif transporté, parce qu'à cette époque les transports de troupes par véhicules automobiles étaient peu courants.