Adresse du lieutenant-colonel COEFFET

Promotion Lieutenant-colonel Jeanpierre


Coët, le 31 mars 2012

 

À vous, les sous-lieutenants du 1er Bataillon de France de la promotion Capitaine Cacqueray, les sous-lieutenants de la Promotion Général Bigeard de l'EMIA et les élèves-officiers de la Promotion Opération Daguet de l'EAM.

 

Faut-il que cette journée et la cérémonie de votre Parrainage revêtent un sens profond pour qu'irrésistiblement poussés par l'appel vibrant de la camaraderie militaire des Officiers et le souffle puissant de la grande Tradition, venus de toute la France, nous soyons quelque 250 autour de vous, en activité ou en retraite ? 110 Officiers de la Promotion Général Monclar et de la Promotion Lieutenant  Lhuillier sont là ; 130 Grands Anciens de la Promotion Lieutenant-Colonel Jeanpierre sont ici, 130 de cette dernière promotion de l'ESMIA, fusionnée, intégrée, nourrie des traditions de Saint-Cyr, et d'où nous sommes sortis sous le même casoar ; la dernière à pouvoir parrainer ensemble ESM et EMIA, victoire de l'Amalgame. Nous en sommes heureux et fiers. « La  grandeur  d'un  métier  n'est-elle  pas d'unir les hommes » ?

La quintessence de la Tradition, c'est son caractère sacré. La tradition, on ne la vit pas, on la respecte. Faut-il que le souffle de cette tradition et l'appel de Saint-Cyr soient puissants pour nous conduire ainsi vers vous tous et vers nos rêves anciens, depuis la forêt légendaire de Brocéliande, le Roi Arthur et ses Chevaliers de la Table Ronde, ancêtres des rudes Templiers et des modernes Chevaliers de Malte dont la tunique noire offre plus d'un point commun avec le Grand Uniforme de Saint Cyr, un Ordre aussi.

Brocéliande, le Roi Arthur, Bertrand du Guesclin, Bayard, Leclerc, mais aussi Paimpont, la croupe de Lanviel, Beignon, le Château du Bois du Loup, Campénéac, l'étang de Vobulo, le Val sans retour, la Grand Bosse, et ce soir la grandiose Cour Rivoli où frémissent vos casoars et rutilent vos képis, « Il est des lieux où souffle l'esprit … ». Cet esprit de Saint-Cyr est demeuré intact et bien vivant, il est l'héritage de 45 000 anciens qui se sont instruit pour vaincre et dont plus de 10 000 sont morts pour la France.

Mais nous ne sommes pas avec vous ce soir seulement pour rêver. Nous sommes venus témoigner et vous transmettre le flambeau, à vous nos successeurs, notre flambeau qui brûle et brille encore de tant d'éclats.

Dans l'enthousiasme de vos vingt ans, quelle que soit votre École, ESM, EMIA, EAM, vous avez choisi un métier passionnant. Aujourd'hui compagnons d'études, demain frères d'armes, vous êtes unis par un même idéal et une même volonté de SERVIR, en assurant l'avenir de notre Armée.

Vous êtes entrés dans un Ordre, un Ordre viril par excellence, ordre de Chefs, pour SERVIR.

Ordre de Chefs qui exige des qualités majeures autour desquelles se regroupe tout l'accessoire.

La RESPONSABILITÉ, « Chaque  sentinelle,  je  la  veux  responsable  de  tout  l'empire ».

Responsabilité des choses et des êtres qui vous sont confiés, de la mission à accomplir mais aussi et pour commencer de soi-même. Et vous ne prendrez pas de responsabilité sans risque, jusqu'au risque suprême, celui de la mort, tout en ayant un amour passionné de la vie. Le sens de la responsabilité qui fonde un certain mépris viril de la mort vient en même temps le mesurer et le qualifier.

La FORCE, le Chef est celui qui sert le mieux sa troupe parce qu'il possède des forces. Il s'agit de posséder et de nourrir en soi un sentiment robuste de la vie et de ce sentiment découle naturellement l'horreur du négatif, du destructif. Force du corps, de l'esprit, force d'âme. Force du corps, la solidité, source du courage et origine de la gaieté. Force d'âme, car enfin et par-dessus tout, tout est toujours d'abord à l'intérieur de l'âme, c'est la force sur soi-même, la maîtrise de soi-même, se tenir en main au physique et au moral, rester maître de ses passions, ne jamais vous départir de la patience, de l'égalité d'humeur, qu'une part sereine et inattaquable de soi survole toujours les autres parts.

L'HONNEUR, l'honneur c'est un sentiment né avec l'homme, indépendant des temps, des lieux et même des religions, un sentiment fier, inflexible, un instinct d'une incomparable beauté. L'honneur, c'est une religion mâle sans symboles et sans images, sans dogmes ni cérémonies, dont les lois ne sont écrites nulle part. L'homme, l'Officier, au nom d'honneur sent remuer quelque chose en lui qui est comme une part de lui-même. Ce sentiment de l'honneur qui veille en nous comme une dernière lampe au fond du temple dévasté. Son aimant magique attire et attache les cœurs d'acier, les cœurs des forts. C'est un engagement personnel qu'à vingt ans vous contractez envers vous-mêmes, au premier régiment, en face du premier drapeau, à côté du premier capitaine.

Pour SERVIR et COMMANDER, tout est là, être capables de maintenir à travers tout ce qui pourra vous advenir, votre intégrité afin de SERVIR en COMMANDANT, acte volontaire et conscient pour qui se donne librement et totalement à un idéal qui vous transcende.

Servir, s'exalter, en se dominant par la pratique de ces grandes qualités que sont la Foi, l'humilité, l'abnégation, la générosité, l'amour.

Servir, c'est notre ambition, c'est notre gloire, quoi qu'il en coûte et même parce qu'il en coûte.

Servir, c'est choisir une route vers votre finalité d'homme.

Commander, est vocation d'officier, vocation mais non apanage car commander est le devoir et non la prérogative du chef.

Commander, c'est détenir la puissance de décider et de conduire des hommes à l'action, c'est être responsable de ces hommes, devant eux, devant vos chefs et en définitive devant Dieu, et vous ne le ferez pas sans Amour. Et seul a le droit de commander celui qui donne l'exemple, dans l'enthousiasme et dans ce mot, il y a « en théos » en Dieu. Et il faut dans toute entreprise autre chose que de vouloir réussir, il faut la foi enthousiaste car rien de grand, ni de beau ni de durable ne se fait sans une étincelle permanente d'enthousiasme.

Souvenez-vous, « DEBOUT LES OFFICIERS ! »

Vous serez des hommes debout, qui demeurent des repères et des guides dans la confusion générale ; lorsque la violence se déchaîne, c'est DEBOUT que l'on trouve les ressources pour la maîtriser, la combattre et s'y opposer avec détermination. Être Officier, c'est être DEBOUT. Celui-ci ne peut prendre la posture du repos et se coucher définitivement qu'au Champ d'honneur ou lorsque son devoir est accompli.

Tel est notre Flambeau.

Pour le conserver et le magnifier, vous devrez-vous battre, pour garder ce sens des valeurs qu'ont toujours défendues un Bigeard, « celles  qui  font  la grandeur  d'un  homme et d'un pays », un Saint Marc pour qui « la vie est un combat. Le métier d'homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent. Envers et contre tout, il faut croire en son pays, croire en la France et en son avenir. De  toutes  les  vertus,  la  plus  importante parce qu'elle est la matrice de toutes les autres et qu'elle est nécessaire à l'exercice de toutes les autres, la plus importante est le courage, les courages et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse. Et pratiquer ce courage, ces courages, c'est peut-être cela l'honneur de vivre ».

Tel est, Messieurs les Officiers, le flambeau de vos Anciens.

Avec lui, les yeux levés vers lui, «duc in altum» ! Va au large, regarde vers les hauts… !

Vos Anciens, vos Grands Anciens vous saluent avec ferveur et émotion profonde.

Chic à Cyr.