Le panache


Ayez une âme, on en réclame.

De mornes jeunes gens aux grimaces de vieux,

Se sont, après un temps de veulerie infâme,

Aperçus que n'avoir pas d'âme, c'est horriblement ennuyeux.

 

Balayer cet ennui, ce sera votre tâche,

Empanachez-vous donc, ne soyez pas émus

Si la blague moderne, avec son rire lâche,

Vient vous dire que le Panache

A cette heure n'existe plus.

 

Il est vrai qu'il va mal avec notre costume,

Que devant la laideur des chapeaux londoniens,

Le Panache indigné s'est enfui dans la brume,

En lamissant sa dernière plume

Au Casoar des Saint-Cyriens !

 

Il a fui ! Mais malgré les rires pleins de bave,

Qui de toute beauté furent les assassins,

Le Panache est toujours pour les yeux clairs et braves

Aussi distinct au front des braves

Que l'auréole au front des Saints !

 

On peut faire sonner le talon des aïeux,

Même sur des trottoirs modernes et paisibles,

Et les éperons invisibles

Sont ceux-là qui tintent le mieux !

 

Monsieur de Bergerac est mort, je le regrette.

Ceux qui l'imiteraient seraient originaux.

C'est la grâce aujourd'hui qu'à tous je vous souhaite :

Soyez de petits Cyrano.

 

Edmond Rostand